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Espaces Collaboratifs ? Vraiment à la hauteur des attentes ?

Faut-il suivre la tendance d'aujourd'hui qui consiste à ne jurer que par les espaces collaboratifs, c'est à dire, pour simplifier... de magnifiques espaces de bureaux sans cloison ? Est-ce une tendance qui tient ses -nombreuses- promesses ou une mode plus ou moins durable dont on n'a pas encore pleinement identifié les conséquences ?

Le besoin des entreprises de productivité toujours accrue pour assurer leur survie dans un monde de plus en plus impitoyable et les demandes des salarié(e)s pour une meilleure qualité de vie en général et au travail en particulier trouvent-ils là un support parfait ? Ces "nouveaux modes de travail" NWoW (New Way of Working) comme certains n'hésitent pas à l'appeler boostent-ils vraiment à court et long terme productivité, collaboration et moral ?


Je dois avouer que je n’ai jamais vu de problème avec les bureaux « fermés » dans la gestion des équipes. Justement parce que les portes peuvent être quasi-toujours ouvertes et seulement fermées quand nécessaire, à bon escient. Ça fait partie des règles de vie, souvent implicites, et des conséquences de l'exemplarité. Bien sûr, dire que ça fonctionne à 100% serait prétentieux, mais à 80%-90% sans problème. C’est une histoire de management, de ce que vous acceptez et de la manière dont vous vous comportez en tant que manager. Si votre porte est toujours fermée, n’attendez pas autre chose de la part de vos collaborateurs. Mais sinon, une porte ça peut rester ouvert, on peut trouver derrière une personne accueillante et souriante et c’est quand même bien utile et plus pratique qu'une cabine téléphonique dépersonnalisée quand on veut s'isoler temporairement.

Quand on passe en bureaux ouverts, les occupants sont habituellement heureux du changement. Ce sont des espaces flambant neufs, magnifiques la plupart du temps, lumineux. Si le "change management" a bien été mené, l'adhésion d'une majorité de salarié(e)s est indiscutable. C'est déjà un bel objectif atteint qui booste l'image de l'entreprise et a fierté d'appartenance. Par exemple, si l'entreprise à l'habitude d'organiser des journées "portes ouvertes", il est plus agréable de montrer à sa famille et ses amis ce type d'espaces que de vieux bureaux défraichis, c'est sûr.

Ce qui interpelle, cependant dans le cas des espaces collaboratifs (sans cloison ni porte) c’est que, rapidement, beaucoup d'utilisateurs trouvent des moyens pour s’isoler autrement, de manière beaucoup plus efficaces que de simples murs. L'adaptation des salarié(e)s à ces « espaces ouverts » me fascine à la fois par sa diversité et son ingéniosité. Je ne m'attarderai pas sur le fait qu’il est agréable de passer quelques jours dans de tels espace. Ce qui est intéressant, c'est le comportement des « occupants permanents ».

Le premier constat est que beaucoup de vos collègues deviennent adepte inconditionnel de musique ou du port de leur casque téléphonique en permanence. C'est comme dans une rame de métro (qui n'est pas vraiment un archétype de bien-être et d'échanges, me semble-t-il). Les « intras » vont être portés par un grand nombre de personnes. Du coup, les cloisons disparaissent, mais elles sont remplacées par la plus petite et la plus efficace des portes fermées possible: des oreillettes.

D’ailleurs, nombre de startups ont flairé le bon filon. Elles vendent maintenant des casques anti-bruit dont certains sont à annulation phonique variable. C’est un produit qui a beaucoup de succès actuellement. C’est l’équivalent de pouvoir laisser la porte ouverte, entrouverte ou de la fermer complètement suivant le réglage (mais seul le porteur le connait). Vous pouvez trouver des exemples récents de casques de ce genre ici et ici ou encore ici. Je ne suis pas certains que la cloison et même la porte fermée soient aussi dissuasifs et « inhibiteur d'interaction » que ça. A noter que l'on peut anticiper ces soucis et que d'autres business comme, par exemple, Saint Gobain propose des solution plus globales (ecophon) pour diminuer le bruit ambiant dans ce tels espaces.



Pour ce qui est de la vue, c’est incroyable le nombre de personnes se découvrant soudainement un amour immodéré pour la botanique. Des plantes, de préférence volumineuses, apparaissent un peu partout. C’est moins bloquant que le casque pour les sons, mais en ce promenant dans des « espaces collaboratifs », on peut facilement détecter les personnes « qui ne peuvent pas se voir » au sens propre comme au sens figuré.

Un autre moyen de « remettre une cloison » est de télétravailler. C'est un moyen simple de s’extraire un à deux jours par semaine de ces conditions de travail. Ça permet là aussi de créer une distance beaucoup plus efficace qu’une cloison. La différence, c’est que tout le monde trouve ça très bien. C’est souvent d’ailleurs les gens qui disent qu’il faut « tomber les cloisons » et qu’on ne « travaille efficacement que si on est à côté ou en face l’un de l’autre », qui sont aussi les plus grands défenseurs du télétravail. La logique, quand on prend un peu de recul, n’est pas si évidente à suivre. Attention, le télétravail est une excellente chose si elle est prise correctement et que l'entreprise l'intègre en se posant les bonnes questions. Mais il faut se méfier de motivations qui devraient être pour le management des "signaux faibles" de soucis à venir.



Un autre constat qui interpelle: tous les télétravailleurs, quelque soit le type de bureau, disent être « plus efficaces » chez eux, parce que, outre le déplacement domicile-travail (toujours mentionné comme une des motivations principales à juste titre), ils ne sont « pas dérangés pendant la journée ». C’est un constat acceptable et assez facile à comprendre. Mais certains télétravailleurs qui travaillent en bureaux collaboratifs me disaient pour certains être trois fois plus efficaces chez eux. Avec de tels propos, on est quand même en droit de se poser la question "à quoi ça sert d’avoir un site et un mode de travail pour accueillir les salarié(e)s qui les rends, selon eux, trois fois moins efficace que leur capacité nominale". Même si on peut se poser la question sur la réalité du "trois fois", je n'ai jamais eu de tels propos de la part des télétravailleurs, même venant des plus "fans" du travail à distance, quand ils disposent de bureaux fermables.


Conclusion

Tout ceci fait que cette tendance de bouleverser l'espace de travail, incontournable de nos jours, demande de prendre un peu de recul. Il n'est pas question de nier qu'il y a des concepts très intéressants à adopter et adapter dans ces concepts. Mais, sauf si vous changez de site, ou construisez un nouveau bâtiment, il est important de bien choisir ses batailles et identifier ses objectifs & priorités. On ne rend probablement pas les équipes "collaborantes" et plus productives uniquement en mettant en place de magnifiques locaux sans cloisons, aussi élaborés soient-ils.

Si vous vous lancez dans un tel projet il ne faut donc pas méconnaitre les difficultés et les adresser, sans trop en faire non plus 😓. Il est important d'avoir une stratégie de mise en place claire, des objectifs sincères, et un change management de première qualité.

Si l'approche est bien réalisée, il faut avouer que, mis à part ces quelques constats, la satisfaction semble au rendez-vous. Cependant, qu'en est-il de l'augmentation réelle de productivité ? Jusqu’à cet été, à ma connaissance, il n’y avait pas d’étude disponible permettant d’évaluer scientifiquement l’impact de ces "espaces collaboratifs" sur la productivité… Une étude quantifiée, non déclarative, sérieuse et solide, mais touffue, a été publiée en juillet 2018 à ce sujet. Je partagerai avec vous l'approche ainsi que les conclusions de cette étude dans un de mes prochains posts.

Images : Pixabay ou Pexel

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