De mémoire d’Homo-sapiens, les salariés n’ont jamais autant été « incités» à communiquer, travailler en équipe, se taper dans le dos ou jouer au babyfoot ensemble pour devenir plus productifs. Et pourtant, ils se « sentent seuls ». Tel est le paradoxe soulevé par une étude récente PWP (Paris Workplace) menée par IFOP et SFL (Société Foncière Lyonnaise) dont les résultats sont disponibles depuis peu.
Les salariés de la région parisienne échangent quotidiennement avec plus de 10 personnes par différents moyens : mails, téléphone, SMS, WhatsApp, messagerie instantanée et autres canaux via l’intranet de leur entreprise.
En parallèle, les open spaces , les « espaces collaboratifs » et les bureaux partagés sont désormais la règle. L’enquête recense 82 % des travailleurs comme ne bénéficiant pas/plus de bureau individuel.
Paris n’est pas forcément représentatif de la France, mais c’est un périmètre doublement intéressant car c’est là qu’on rencontre le plus fort taux d’adoption des « nouvelles méthodes de travail ». C'est aussi à Paris que ces pratiques ont été introduites initialement en France. Le temps écoulé à pratiquer ces conditions de travail est donc plus important dans la capitale. Certaines de ces mesures ont été prises à l'époque pour des raisons bien compréhensibles de difficultés de déplacement des salariés (qui ne sont pas resté longtemps une spécificité parisienne), d’autres pour des raisons économiques ou d’image. Mais les résultats humains de ces mesures sont-ils aussi positifs qu’il y parait ?
Avec ces nouvelles façons de travailler, les salarié(e)s ne sont, en théorie, plus jamais esseulé(e)s au travail. Cependant, 6 salarié(e)s sur 10 disent qu’il leur arrive de se sentir isolé(e)s au sein de leur entreprise. Ce n’est pas la première enquête, ni le premier constat qui fait met en avant un tel paradoxe. C'est un nouvel élément reflétant une complexité souvent minimisée par les entreprises tentant authentiquement (mais trop naïvement ?) de promouvoir collaboration et communication.
Sans grande surprise, selon cette enquête, le niveau de performance des salariés se sentant isolés sont (auto-déclarativement) moins performants que ceux qui se sentent rarement ou jamais isolés.
L’enquête en déduit trois enseignements principaux :
Pour être bien au travail, il faut se voir et se parler en « vrai » (77% des participants)
Trop de relations tue la relation (ce n’est pas parce qu’on utilise toutes les formes de communication électronique que l’on a des relations de qualité).
La qualité des relations est LE facteur le plus décisif pour générer du bien-être et de la performance.
Le télétravail, pratiqué par 40% des franciliens, probablement parce qu’il n’est pas toujours introduit avec les accompagnements qu’il mérite, donne des résultats pour le moins mitigés quand on compare les populations. Ce résultat contraste avec la forte satisfaction des télétravailleurs rapportée par les enquêtes de référence dans le domaine.
L’enquête IFOP/SFL mentionne que :
Les télétravailleurs sont 1,5 fois plus nombreux à se dire souvent stressés (47% contre 33% pour ceux qui ne télétravaillent pas).
Ils sont 2 fois plus nombreux à estimer s’ennuyer souvent (34% contre 16%).
Et ils sont 3 fois plus nombreux à craindre souvent d’être licenciés (24% contre 8%).
Ces résultats ne signifient pas que les nouveaux modes de travail sont intrinsèquement néfastes, mais malgré les avantages qu’ils présentent, ils génèrent des situations parfois difficiles pour les salariés et les managers. Il s’agit de changements qui peuvent créer un certain enthousiasme initial (beaux espaces, accès au télétravail, …), voire une certaine euphorie.
On observe souvent une productivité accrue, mais celle-ci est-elle acquise pour longtemps ou un feu de paille ?
Comme on dit « ça dépend »… de la qualité de la mise en place, du suivi et du sérieux avec lequel on traite et accompagne ces nouvelles pratiques. Ce sont des changements profonds de la relation et des conditions de travail.
Le Général de Villiers, invité d’honneur de cette cinquième édition de l'enquête conclu que " Mais même avec les meilleures intentions du monde, le workplace, s’il ne s’intègre pas dans une stratégie globale, n’est qu’un bâtiment sans âme. L’immobilier est le catalyseur de la stratégie managériale et de la culture de l’entreprise, mais, sans une impulsion au plus haut niveau, sans des dirigeants exemplaires, il reste lettre morte."
Le mot "stratégie" est lâché. Et pour définir une stratégie, il faut du recul. Une vision du devenir humain au sein de l'entreprise sera alors déclinée en objectifs et plan d'action sur la durée... comme pour le business.
Pour paraphraser Rabelais (Pantagruel), cette enquête semble confirmer que "Nouvelles méthodes de travail sans conscience n'est que ruine de l'âme".
Kommentare