Cela fait un an quasiment jour pour jour, que le gouvernement célébrait la première publication des accords d’entreprise sur le site Légifrance.
Cette mesure fait partie des articles de la loi travail (code du travail Article L2231-5-1) dont le texte actuel stipule « Les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable. Ils sont publiés dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et des signataires. »
Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez lire l’article consacré à cette disposition récente ici et les procédures ici. Le dépôt des accords collectifs se fait de manière totalement dématérialisé la plateforme : www.teleaccords.travail-emploi.gouv.fr depuis le 28 mars 2018.
Les documents sont forcément au format « docx » (un des formats de Word et ouvrable par Open Office Writer, entre autres) pour permettre la publication partielle. Les noms et prénoms des signataires sont exclus, les données sensibles peuvent être occultées, mais la liste des syndicats signataires est publique ainsi que le texte quasi intégral des accords. Le fait que les documents soient à ce format les rend exploitables bien plus facilement qu’un document scanné, bien entendu.
Ce nouvel exercice de transparence nous permet de regarder un peu déjà quelques données « macro » avant de plonger dans des choses plus concrètes. Si cette mesure s’inscrit dans la durée, elle deviendra une source statistique très intéressante. Actuellement, il est certain qu’elle est un peu trop « jeune » pour être significative, ce qui ne nous empêche pas de regarder le potentiel.
Comme toujours, le site Légifrance, pour peu qu’on se donne un peu (voire beaucoup) de mal, permet qu’on trouve ce qu’on cherche avec les formulaires. C’est sûr que quand on voit certains outils de recherche, de tri et de présentation des résultats sur internet, on a envie qu’un Légifrance 2.0 s’inspire de ces outils fantastiques. Mais, ce n’est déjà pas si mal comme c’est !
On peut faire des recherches thématiques, par date, par entreprise. Tiens, Air France a signé 17 accords en 2018, la Poste en a signé… 351. Euh, vous préférez avoir votre chemise déchirée ou être un Directeur (ou une Directrice) des relations sociales centrales qui a un « boulot de dingue » et développer des TMS à force de signer des accords 😂? Plaisanterie, à part, ça fait plus d'un accord par jour ouvré...
Regardons quelques indicateurs. Le tableau ci-dessous répertorie le nombre d’accords et les signataires de ces accords. On voit rapidement plusieurs choses. La CFDT est le syndicat qui globalement signe le plus d’accord en apposant sa signature sur 50% des accords (représente 27% de toutes les signatures). CE n’est qu’une confirmation, mais n’importe qui peut le vérifier dorénavant. La CGT signe tout de même 40% des accords suivi par la CFE-CGC et FO au coude à coude. Il s’agit bien sûr, seulement d’un constat quantitatif et pas qualitatif qui demanderait de lire chaque accord et de porter un jugement sur le contenu : exercice délicat s’il en est !
Un autre constat est que le nombre moyen de signature au bas des accords est inférieur à 2 (1,77 en moyenne nationale) et en légère régression entre les deux mois de 2017 et 2018 à la date. Un signal donc pour les responsables de relations sociales : si vous obtenez la signature de plus de deux partenaires, vous êtes au-dessus de la moyenne française 😃 toutes catégories d’accords confondues.
On peut regarder la disparité du nombre d’accord collectifs signés entre les 20 plus grandes entreprises françaises. Il faut faire attention avec le jeu des filiales est les raccourcis du genre EDF ou Electricité de France. Mais voici un tableau de résultats « quick and dirty » qui semble indiquer que la Poste, avec son organisation décentralisée signe un nombre d’accords impressionnant. A l’autre bout du spectre, CNP assurance avec un seul accord est largement en dessous de la moyenne qui est quand même de 38, du fait des poids lourds comme La poste, le crédit agricole qui sont quand même atypiques. (19 en les écartant quand même)
Quel type d’accords sont signés ?
Légifrance à la gentillesse d’offrir des catégories. Nous ne les regarderons pas toutes pour l’instant. Rappelons que l’Article L2242-1 du code du travail stipule « Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage au moins une fois tous les quatre ans :
1° Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise ;
2° Une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail. »
Même si il y deux rubriques dans la loi, on peut néanmoins dégager trois grands thèmes de négociations obligatoires:
La rémunération,L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,La qualité de vie au travail (sujet large s’il en est).
Auxquels vient s’ajouter la Gestion des emplois et des parcours professionnels (GPEC), uniquement dans les entreprises d'au moins 300 salariés et les entreprises de dimension communautaire comportant au moins 150 salariés en France.
Avant l'entrée en vigueur des Ordonnances Macron, un accord d'anticipation pouvait modifier la périodicité de la négociation obligatoire sur les deux premiers thèmes dans la limite de 3 ans, et sur le 3e thème dans la limite de 5 ans, entre chaque négociation. Désormais, la périodicité des négociations obligatoires est unifiée à 4 ans maximum. Il est donc intéressant de regarder quelques-uns des thèmes de prédilection des négociations actuelles.
On voit que malgré la largeur du thème de la Qualité de VIe au Travail, les accords sont principalement signés dans le domaine de L’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Suit de près la non-discrimination et la diversité en complément. Ces thèmes sont abordés par des accords depuis de nombreuses années. Cependant, ils sont traités semble-t-il rapidement par de nombreuses entreprises et les partenaires sociaux, probablement parce que le sujet est considéré comme plus urgent et probablement plus simple ne serait-ce parce qu’il est quantifiable.
Malgré ce que l’on entend, le télétravail, avec 205 accords ne semble pas être un des thèmes de prédilection pour la signature d’un accord en 2018. Nous allons creuser un petit peu plus ce thème ci-après.
Une autre donnée intéressante que l’on peut tirer est le nombre de syndicats signataires par thème. Comme on l’a vu la moyenne nationale est 1,77 en 2018. On notera que la totalité des thèmes reçoit plus de 1,77 signatures en moyenne, sauf le « Droit à la déconnexion et outils numériques » qui est à 1,56. Est-ce le fruit d’un malaise sur ces sujets ? Seul une étude attentive permettra de le voir à moyen terme.
Focus télétravail
Il ne se dégage pas une accélération non plus de ce thème si on en croit la courbe mensuelle de dépôt. Les principales conclusions que l’on peut tirer
205 accords comprenant la thématique « Télétravail »« Seulement » 126 accords dédiés uniquement au Télétravail.Pas d’emballement d’enregistrement des accords observé, sauf si on est optimiste (courbe rouge).
Il reste plus qu’à attendre le début 2019 pour avoir une année complète et… lire les accords 😉 pour avoir une vue plus qualitative.
Image: Pixabay. Merci.
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