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Les emplois du futur selon le WEF

Introduction

Le WEF (World Economic Forum) est connu en particulier pour le rassemblement annuel à Davos (Suisse, comme son nom ne l’indique pas 😊) devant lequel défilent les chefs d'état du monde entier. Le WEF a mis en ligne le 25 septembre un rapport très dense concernant le futur du travail (The Future of Jobs Report 2018) de 147 pages (23 pages hors annexes).



Ce rapport complète assez bien celui d’Eurofound sur les restructurations d’entreprise que nous venons d’analyser afin de savoir, dans les années à venir, selon ces auteurs, à quoi ressemblera l’entreprise. Quels seraient les pays ou les technologies gagnants. Est-ce que cette redistribution des cartes à la fois technologique et géographique va permettre, selon le monde économique, un avenir plus radieux à la France en particulier.

En parallèle, il est intéressant de rappeler les résultats du rapport PwC publiée en février 2017 qui modélise les futurs poids économiques (projection 2030 et 2050) des différentes pays dans le monde. Les auteurs montrent à cette occasion une redistribution à moyen terme des cartes et une perte conséquente dans ce classement de l’Espagne et de l’Italie en particulier. La France (en bleu) passerait, quant à elle, de sa 10ième place actuelle à la 12ième (basé sur le PBI PPA (voir ci-dessous)). L’Allemagne elle-même passerait du 5ième rang au 9ième, derrière le Mexique.



Le rapport de WEF, de son coté, repose sur la participation d’entreprises employant plus de quinze millions de salariés dans des secteurs très variés à travers le Monde, ce qui donne une excellente représentativité à travers les dirigeants consultés. Regardons donc les orientations principales.


Des avancées technologiques disruptives rapides

Les avancées technologiques sont rapides et déplacent tout aussi rapidement la frontière entre les tâches exécutées par l'homme et celles exécutées par les machines ou des algorithmes. Les marchés du travail mondiaux subissent actuellement des transformations majeures, appelant des restructurations et des évolutions dans pratiquement tous les métiers. Selon les auteurs « Ces transformations, si elles sont gérées avec sagesse, peuvent ouvrir la voie à une nouvelle ère d’emplois qualifiés, de bons postes et l’amélioration de la qualité de la vie pour tous. Mais si elles étaient mal gérées, elles risqueraient d’élargir le fossé des compétences, d’inégalités et d’accroitre la polarisation. ». Au moins, ça a le mérite de la clarté !

Les changements reposent principalement sur quatre technologies digitales qui devraient dominer la période 2018-2022 : l’internet mobile haut débit, l’intelligence artificielle; l’adoption généralisée de l'analyse de données volumineuses (« big data »); et la technologie « cloud ».

L’impact et le changement sur les emplois devraient être très conséquents : :

Près de 50% des entreprises estiment que l’automatisation entraînera une réduction de leurs effectifs à temps plein d’ici 2022, en fonction des profils d’emploi de leurs effectifs actuels.Cependant, 38% des entreprises interrogées prévoient d’étendre leurs effectifs à de nouveaux rôles d’amélioration de la productivité et plus du quart des entrepreneurs pensent que l’automatisation entraînera la création de nouveaux rôles au sein de leur entreprise.

Les personnes interrogées ont en particulier répondu sur les technologies qu’ils prévoient d’adopter. Vous trouverez ci-dessous les technologies qui devraient êtres mise en place dans plus de 50% des entreprises d’ici 2022 (extrait de la Figure 2 du rapport ci-dessous). Si votre entreprise ne fait pas appel à des analyses « big data », il y a peu de chance qu’elle y échappe dans le futur. C’est aussi le cas des autres technologies citées.



Évolution des méthodes de travail

Sur l’évolution des méthodes de travail, il faut noter que les entreprises sont prêtes à élargir le nombre de leurs sous-traitants effectuant des tâches spécialisées. De nombreux répondants ont également souligné leur intention d'engager les travailleurs de manière plus flexible, en utilisant des effectifs distants au-delà des bureaux physiques et de la simple décentralisation des opérations. Sur ce point, voir notre dossier sur le télétravail en particulier. Pour ceux qui sont intéressés par la totalité des « key findings », je vous en conseille la lecture (3 pages au début du rapport).

L’analyse du futur des emplois, qui est au cœur de ce rapport est mené avec un classement en trois catégories : les jobs qui resteraient, ceux qui pourraient apparaitre (ou être fortement renforcés) et ceux qui devraient disparaitre. Ces données sont capitales pour comprendre précisément les postes qui pourraient être fragilisés dans la plupart des entreprises dans un avenir court terme. Bien entendu, il s’agit de données globales, même si les annexes reprennent les données sectorielles de manière synthétique (exemple ci-dessous).



Quand on regarde la liste des « rôles » (ci-dessous) qui disparaissent selon les dirigeants dans un horizon d’une demi-douzaine d’années, on voit bien que le chantier est potentiellement immense dans les grandes entreprises en particulier. Note: Les emplois ("roles") marqués avec un « * » vont être conservés, mais avec un changement important de contenu selon les répondants.



Le rapport complète l’analyse par poste par une prévision de l’évolution des compétences. Elles sont aussi susceptibles d’être bouleversées comme on peut le voir dans le tableau suivant qui présente dans chaque catégorie le « Top 10 » des compétences d’aujourd’hui, celles qui vont être encore plus nécessaires et celles dont les dirigeants pensent qu’elles seront moins nécessaires.




Les conséquences

Les auteurs insistent sur le fait que le succès de toute stratégie repose désormais sur l’engagement d’une main-d’œuvre motivée et agile, dotée de compétences évolutives pour tirer parti des nouvelles opportunités à travers la formation et le développement continu des compétences. Selon les participants à l’enquête, le paysage de l’entreprise en 2022 (dans 6 ans !) sera bouleversé. Que les compétences nouvelles soient correctement identifiées ou pas, cela a d'ailleurs peu d'importance. Ce qu'il faut c'est des salarié(e)s appréciant ce qu'ils font, voulant apprendre, et des employeurs capables de former de manière continue et adaptée ses forces vives à tout age.

On voit clairement dans le tableau ci-dessus que la maîtrise des nouvelles technologies n’est cependant qu’un élément de l’équation des compétences de 2022. Les compétences « humaines » telles que créativité, originalité et initiative, pensée critique, persuasion et négociation conserveront ou augmenteront leur valeur. Le souci du détail, la résilience, la flexibilité et la résolution de problèmes complexes. L’intelligence émotionnelle, le leadership et l’influence sociale, ainsi que l’orientation « service », seront en augmentation par rapport à leur importance actuelle. Voilà des informations vraiment intéressantes et encourageantes pour l’entreprise de demain. Si chacun se donne les moyens d’aller dans ces directions sans qu’il s’agisse seulement de « buzz words », on retrouve là potentiellement une vraie « entreprise agile » pouvant développer une vraie Qualité de Vie au travail par une gouvernance bienveillante. L’avenir serait-il radieux pour le coup, mais au prix de quels efforts ?

Pour arriver à ce résultat, les Dirigeants pensent qu’une « mise à niveau des compétences » est nécessaire. Celle-ci est plus ou moins lourdes suivant les secteurs et les pays (annexes du rapport). Selon eux, globalement, seulement 46% des salarié(e)s sont aujourd’hui au niveau des compétences attendues dans le futur immédiat. Pas moins de 54% de tous les employés nécessiteront donc formations et mise à niveau significatives. Sur ce nombre, environ 35% devraient nécessiter une formation supplémentaire pouvant aller jusqu’à six mois, 9% nécessiteront une formation continue de six à 12 mois, tandis que 10% nécessiteront une formation supplémentaire de plus d’un an (voir ci-dessous).



Je vous épargne les tables toutes plus informatives les unes que les autres qui détaillent l’approche régionale, par secteur d’activités, les tendances d’embauches (déterminées régionalement grâce aux données LinkedIn ce qui illustre le coté "big data" du rapport, je suppose 😊). Nous arrivons à la donnée la plus problématique pour notre pays de ce rapport. La Figure 11 du rapport recense les besoins de « mise à niveau » en réadaptation professionnelle en jours de formation, par pays et par région entre 2018 et 2022.

En effet, les pays fournissent des écosystèmes différents à travers l’environnement, la connaissance, l’aptitude à apprendre, les facilités de formations, et la souplesse technologique des salarié(e)s.

Le délai moyen prévu pour reconvertir ou perfectionner les travailleurs varie de 83 jours pour les entreprises situées en Suisse à 105 jours pour les entreprises situées en France (graphique 11).



Des 29 pays listés, la France finit bonne dernière donc avec plus de 26% de besoin en jours supplémentaires (par rapport à la Suisse) de formation pour « arriver au niveau » attendu par les dirigeants en 2022. Une fois la surprise passée, on réalise que la Suisse (un hasard ?) est un pays où la force de travail est quand même un petit peu atypique par rapport au reste du monde. Si on écarte ce havre de paix pour l’intelligence émotionnelle, le leadership et les nouvelles technologies, on peut douter que la précision de ces données permette un réel classement.

Ne disposant d’aucun intervalle de confiance sur ce graphique, ni d'une échelle claire, ces données n’ont qu'une valeur relative. Par contre, il reste l’impression, renforcée par ce graphique, que la France est le pays le plus rigide et le moins « technologies’ friendly » au monde. Bref, pas vraiment une bonne publicité. J’espère que les dirigeants de multinationales ne vont pas trouver là une raison supplémentaire de renforcer le « french bashing » ambiant. La faible différence entre l’Allemagne, que l’on prend toujours en exemple dans ces domaines, et la France peut être un facteur rassurant sur les besoins d’efforts des entreprises et des salarié(e)s.


Conclusion

  • Les quelques années à venir vont voir se chambouler le paysage de l’entreprise dans lequel de nombreux repères vont disparaitre. Pour prendre un tel virage, les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites qui ne veulent pas perdre en compétitivité vont devoir établir des stratégies claires. Nous avons vu combien les restructurations favorisent les Risques Psycho Sociaux et le harcèlement en particulier. Les pertes de confiance, le manque de leadership ou de bienveillance peuvent impacter très durablement motivation et productivité.

  • Le télétravail est mis en avant comme étant potentiellement en forte augmentation dans le futur avec un changement de relation à l’entreprise. Ces fonctionnements demanderont probablement un développement important de Qualité de vie au travail, management bienveillant et intelligence émotionnelle si on veut bénéficier de salarié(e)s innovant(e)s, souples, apprenant(e)s et "bien dans leurs baskets".

  • La France n’est pas mise en avant dans le seul indicateur de ce rapport (voir aussi pages 76 et 77 du rapport pour le profil individuel par pays) qui compare le potentiel des profils nationaux. Mais une lecture critique permet de voir que ce classement n’a qu’une valeur symbolique. Même si cela suffit déjà à être embêtant… Il ne nous reste donc à prouver que les salarié(e)s des entreprises françaises ou implantées en France sont capables de relever le défi de l’entreprise de demain aussi bien, sinon mieux que tous les autres.


Merci. Image Pixabay (Geralt). Extraits du rapport cité.

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