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Les employeurs source de 59% de refus du télétravail quand c'est possible.

La ministre du travail, Elisabeth Borne a mentionné lors de son allocution du 12 novembre une enquête récente (réalisée par Harris Interactive) sur la pratique du télétravail. Cette enquête est publiée sur le site du gouvernement.

Le sondage intitulé "L’activité professionnelle des français pendant le confinement" a été réalisé en ligne du 4 au 8 novembre auprès d’un échantillon d’environ 2 000 personnes représentatives (voir la conférence de presse du premier ministre, la ministre du travail intervient à 36 minutes du début).

Il est intéressant de comparer cette enquête avec celle qui fait référence dans ce domaine publiée par Malakoff Humanis et d’autres sources.


Tous les actifs ne peuvent pas télétravailler…

On enfonce une porte ouverte, mais cela mérite d’être répété : les emplois industriels, de R&D, de commerce, restauration, … ne peuvent pas télétravailler aussi facilement que des emplois de bureau ou de service. La version dégradée est le commerce en ligne pour certaines activités, mais pas toutes en sont capables aujourd’hui.

Selon cette nouvelle enquête,

  • 39% des actifs en emploi déclarent que leur métier actuel ne peut pas être exercé en télétravail contre 36% qui disent pouvoir télétravailler sans difficulté.

  • 25% peuvent faire du télétravail mais avec des difficultés.

Les chiffres d’Humanis, pendant le premier confinement, montrent que nous avons eu un pic de 41% de télétravailleurs. La limite théorique calculée simplement (ratio de col blancs en comparaison du nombre d’actifs d'un pays) donne 53% de télétravailleurs possible en France (voir aussi HBR Octobre 2020).


Ces montants sont inférieurs aux 64% de télétravailleurs potentiels mis en avant par cette enquête.

Ce qui est nouveau et intéressant, c’est de séparer ceux pour qui télétravailler est « sans difficulté » et ceux pour qui c'est « avec des difficultés ».

En considérant cela, les montants concordent et seuls une minorité du second groupe télétravailleraient.

Il est très intéressant que la question de « quelles difficultés sont rencontrées qui rend difficile le télétravail ? » ait été posée ( voir « position des employeurs » ci-dessous ).


Taux de télétravailleurs effectifs

L’enquête montre qu’une majorité des gens qui peuvent télétravailler le font, mais qu’il y a encore des marges de manœuvre pour que plus d’actifs télétravaillent.

Parmi les salariés du privé ayant travaillé la semaine dernière, 45% ont été en télétravail, 23% à temps complet.

Parmi les actifs pouvant télétravailler « facilement » et qui ont travaillé la semaine dernière :

  • 70% ont télétravaillé au moins partiellement et 45% ont télétravaillé à temps complet ;

  • 30% ont été exclusivement en présentiel.

Nous serions donc sur des montants très comparables aux pratiques du premier confinement, mais 30% de personnes qui pourraient télétravailler (facilement selon eux) et que ne le font pas à l'heure actuelle pose question. Les raisons sont donc importantes à comprendre.


Position des employeurs

Les employeurs dans leur grande majorité n’empêchent pas (ne pourrait-on pas dire que certains vont jusqu’à encourager ?) leurs salariés à télétravailler en confinement :

Sur les salariés qui travaillent en présentiel à 100%, seulement 15% évoquent le fait que leur employeur ne les autorise pas à télétravailler, la grande majorité (67%) explique que leur métier ne permet pas de travailler à distance.

Il faut faire attention à cette affirmation. En effet, excluons les 67% de personnes dont le job n’est pas « télétravaillable ». Il n'y a ici aucune possibilité de télétravailler. Mais si on exclu ce facteur et qu'on se concentre sur les postes qui permettent de télétravailler, on s'aperçoit que le premier facteur(le refus pur et simple de l'employeur), avec 15% au global devient 37% en écartant les postes qui ne peuvent pas aspirer au télétravail. La seconde source d'impossibilité est alors le matériel avec 22%.

On pourrait donc aussi se dire que le matériel étant la responsabilité de l’employeur, c'est une forme de refus également, même si cela pourrait être lié à une difficulté financière, ce qui serait compréhensible par les temps qui courent. Néanmoins, cela signifie que

L'employeur est la source, pour diverses raisons, de 59% de la non mise en place du télétravail pour ceux qui n’en font pas et pourraient facilement le faire aujourd’hui.

Les 41% restants sont des raisons invoquées par les salariés, incluant des raisons économiques, de situation familiales ou de lien social.


Il faut noter, concernant le matériel, que 91% des personnes en télétravail dans la catégorie « sans difficulté » estiment disposer d’un équipement suffisamment performant pour télétravailler, ce qui reste encourageant sur la volonté de la majorité des entreprises de fournir les efforts nécessaires afin de surmonter les crises successives.


« 5 jours sur 5 » représenterait un véritable effort pour les salariés qui, pour certains, souffrent d’isolement.

Selon l’enquête,

  • 58% des salariés qui ont télétravaillé à 100% préfèreraient venir sur leur lieu de travail au moins 1 jour par semaine.

  • 41% des salariés qui ont télétravaillé lors de la semaine de l’étude se sentent isolés

  • 32% déclarent mal vivre le télétravail au quotidien.


Ceci renforce le fait que les pratiques informelles et la communication ORALE doivent être plus présentes au sein des équipes en distanciel. Ce n'est pas forcément intuitif, mais il est important de développer ses compétences de communication informelle en situation de distance, en introduisant, par exemple une pratique comme le e-café (ou e-déjeuner, ou ...)


Mais il faut aussi relativiser ces nombres puisque dans les enquêtes DARES les plus récentes, on recense 28% de personnes qui déclarent n’avoir jamais ou seulement parfois travaillé seul(e). En plus de l’ambiance lourde actuelle, ces changements importants – et qu’il est normal qu’ils ne conviennent pas à tout le monde- motivent probablement ces réponses.

Il me semble qu’une écrasante majorité d’entre nous espère que nous sortirons de cette crise sanitaire bientôt. Du coup il n’est pas surprenant que l’image du télétravail (forcé) et synonyme de crise ne recueille pas un capital sympathie de 100%... de plus, il est sain de penser que les personnes interrogées déclarent que le lien social leur manque. Le contraire serait désespérant.


Néanmoins, c’est probablement ces chiffres qui poussent le gouvernement à mettre en place une ligne d’écoute (le 0 800 13 00 00 – service téléphonique anonyme, gratuit et ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7). Ces lignes existent depuis de nombreuses années au sein des grosses entreprises, en particuliers en soutien des réorganisations, mais pas que… C’est une initiative intéressante que le gouvernement a mis là en place en soutien aux personnes fragilisée par les épreuves que nous traversons.

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