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Satisfaction "Flex Office"​... Possible, mais pas au rabais !

Nous avons vu dans un article précédent que de sérieux doutes s'expriment sur la capacité des espaces dits "collaboratifs" à réellement favoriser la communication, et par conséquence, améliorer la performance des salariés. A défaut de performance, on peut se poser la question de ce qui donne satisfaction aux salarié(e)s comme profil d'environnement de travail. Le "Flex office" est-il dans toutes les configurations le mode préféré des utilisateurs ? La modernité de ces espaces et parce qu'on nous répète que c'est la façon dont les jeunes générations veulent travailler en font-il un incontournable ? Est-ce que tout le monde déteste réellement les cloisons ?

S'il y a pléthore de sondages dans ce domaine, il y a peu d'enquêtes disponibles comparant clairement le ressenti -au moins- entre les différents modes d'aménagements d'espace de bureaux. Une étude produite par Leesman tentait en 2014 de donner des éléments de réponses. Vous pouvez retrouver cette publication ici. Cette étude déclarative (questionnaire auquel les participants répondent, et non des observations) a le mérite de tenter de comparer la satisfaction des utilisateurs de quatre type d’organisations de bureaux :

  1. Bureau fermé individuel ou partagé,

  2. Cubicle (cabine) ou bureau attribué au sein d'un « authentique » open space,

  3. Flex office (bureau non attribué, donc) avec peu de choix d'aménagements,

  4. Flex office avec un choix important d'aménagements.

Pour ceux qui ont la chance de ne pas connaitre, les « cubicles », c’est ces cabines avec des murs à mi-hauteur assez répandues -et décriées pour leur côté inhumain aujourd’hui - dans les pays anglo-saxons.

Cubicles

La première chose à remarquer est que, vu la tendance du marché, on compare deux espaces de travail « anciens » avec deux « récents ». Trouver une entreprise qui aménage ses employés dans des bureaux fermables est aujourd’hui un défi.

D’ailleurs l’article commence par cette mise au point, pour le moins limpide : “Qu'on le veuille ou pas, les lieux de travail deviennent de plus en plus ouverts, agiles et flexibles. Les murs, les portes, les bureaux privés et les bureaux attribués sont passé de mode, pour être remplacés par des espaces ouverts avec peu de séparations et à haute densité, offrant peu de possibilités de personnalisation de la station de travail, créant ainsi un environnement anonyme auquel personne n’a la possibilité de s'attacher. »

Bien entendu les aménagements que je qualifie de « plutôt anciens (pas forcément dans leur conception ou philosophie, mais dans leur équipement) » sont les « Bureaux fermés individuels ou partagés » et les « Cubicles (cabines) ou bureaux attribués au sein d'un open space ». Le concept "Flex" étant relativement récent en 2014, on peut considérer que les répondants occupants les deux catégories de « Flex offices » travaillent dans des locaux qui sont, a contrario, plutôt récemment équipés. Ce qui nous amène à la remarque que la première catégorie part avec un handicap lié à la fois à l’évolution des techniques, et au défraichissement éventuel du mobilier, moquette, etc. quand on compare avec les aménagements "Flex".


Résultats de l’étude : première série de données

L’étude Leesman est composée de deux séries de données. La première série compare les quatre configurations et met en parallèle le niveau de satisfaction déclaré des occupants sur la « qualité de leur environnement de travail ». Même s’il n’y a que peu de données, elles sont intéressantes à étudier.


Qualité de l'environnement de travail


Qualité de l’air

Le premier paramètre qui attire l’attention est la « qualité de l’air ». Je me permets de douter qu’un salarié soit capable de juger de la qualité de l’air (sauf dans des cas extrêmes et exceptionnels). On voit par contre de fortes variations de satisfaction, y compris entre des solutions d’aménagements proches (les deux "Flex") qui devraient donner globalement des résultats comparables et qui se révèlent les plus différents.

Cette variable très subjective (c'est ce qui fait son charme) est routinièrement un indicateur précieux pour tout président de CHSCT (ou CSE-CSSCT) de site tertiaire. Elle est facilement reliée au « sick building syndrome » (« syndrome du bâtiment malsain » en français) que l’on peut prendre sérieusement (il peut y avoir effectivement de tels cas qui se présentent) ou, comme ici, être très probablement une mesure directe de l’humeur des occupants. "Si je vais mal, tout autour de moi est mauvais, laid, sombre et ne marche pas !" Faites une enquête sur la qualité de la restauration collective le lendemain d’une annonce de réorganisation brutale, vous verrez qu’on mange vraiment très mal dans votre restaurant d’entreprise ! On peut donc mesurer, avec cette seule donnée, « l’humeur » générée par les quatre types d’espaces.


Les autres variables

Pour ce qui est du niveau de bruit et de l’éclairage de la station de travail, les résultats sont au coude à coude entre les deux possibilités qui semblent favorisées par les salari(e)s (« Bureau fermé individuel ou partagé » et « Flex office avec un choix important d'aménagements »).

Quelle que soit la diversité des équipements, la lumière naturelle devrait être en faveur des espaces ouverts, ce qui n’est pas le cas pour le « Flex office avec un choix d’aménagement réduit ».

Peggie Rothe, qui signe la tribune, ne fournit aucune explication supplémentaire. Il peut en effet y avoir, au moins, deux raisons: (1) à nouveau l’effet « moral » qui sanctionne aussi ce paramètre comme celui de la "qualité de l’air". Ou (2) un effet réel : les entreprises ne choisissant pas des équipements variés, probablement pour des raisons financières, peuvent également choisir des bâtiments ou des étages moins chers et donc peu lumineux par rapport à ceux qui ont (ou mettent) les moyens.


Résultats de l’étude : seconde série de données

La seconde partie traite de la qualité des moyens physiques entre les deux catégories de « Flex » seulement. Cette partie conclue sans surprise à nouveau que les occupants préfèrent largement avoir du choix et de la qualité, mais enfonce le clou vraiment profondément.



Les données recueillies tournent, là aussi, au tragi-comique. La chaise est un bon exemple : on pourrait lire que les espaces avec peu de choix d’aménagements ont des chaises qui ressemblent plus à des tabourets en bois qu’autre chose. C’est un comble à une époque ou de simples gros ballons gonflables fleurissent un peu partout pour le bien de notre dos (et cet équipement simplissime est super apprécié !).


Conclusion

Le classement de satisfaction est donc assez facile à faire, mais la distance entre les deux premiers lauréats n'est pas si grande si on considère que les bureaux individuels partent globalement avec un handicap de vétusté.

Il faudrait cependant prendre en compte un autre facteur psychologique qui expliquerait les bons résultats des "anciens espaces de travail". La peur du changement peut pousser inconsciemment les occupants de ces espaces à donner un fort taux de satisfaction à leur mode de travail actuel afin d'éviter la perspective angoissante du "Flex". Aucun élément ne vient corroborer ou infirmer ce biais potentiel dans l'enquête, c'est dommage car, pour le coup des questions restent sans réponses.


Le podium

On peut aussi remarquer que si un employeur est assez exigeant et éclairé pour mettre les moyens dans de nouveaux espaces de travail, il va avoir au quotidien une gouvernance responsable, un management adapté, mettre en place un change management de qualité et un accompagnement (architecte, consultants) de première classe. Il va même s'être intéressé, peut-être, à l'intelligence émotionnelle de son management et de ses salariés après avoir éradiqué les Risques PsychoSociaux et compris ce qu'est la réelle Qualité de Vie au Travail. Il s’est aussi appuyé probablement sur un chef projet reconnu et soutenu pour mettre en place ces espaces !

Dans le second cas, si on fait sans ces moyens, avant la satisfaction, l'acceptation même risque de ne pas être là. La peur compréhensible des nombreux travers potentiels des modes de fonctionnement "Flex" ne sera pas adressée et le changement probablement mal accompagné. On ne parle donc pas du tout de la même chose et la différence entre les deux « Flex », qui est la seule chose vraiment solide qu'on peut tirer de ces données ne surprend finalement pas vraiment.

Les salarié(e)s semblent donc, globalement, envoyer les messages suivants :

  • J’aime ce qui est neuf et m’offre de nombreuses possibilités de mode de travail, mais ...

  • J’aime bien les bureaux avec cloisons, même s’ils sont défraichis (on ne peut même pas régler la température individuellement …),

  • Par contre, si on change et que l’entreprise n’est pas prête à y mettre les moyens, je préfère rester dans mon espace actuel même si c'est un « cubicle » auquel je me suis finalement attaché au fil des années. Et, de toute manière, passer en "Flex" me fait peur !

La priorité N°1 reste donc de développer une vraie stratégie de qualité de vie au travail et de considérer la relation humaine et le management comme les facteurs-clef. C'est sur ces sujets qu'il faut se concentrer en priorité. L’évolution des espaces de travail peut alors devenir, ensuite, un support à l’amélioration de la satisfaction de vos salarié(e)s, si elle est bien gérée et, comme on l'a vu, avec des moyens softs (consultants, projet, change, ...) et hard (meubles, moquette, absorption de bruit, ...). Mais ce n'est pas un remède pour soigner une entreprise "qui va humainement mal".

Enfin, n'oublions pas que même si la satisfaction est là, ce qui est déjà un objectif très noble permettant d'espérer fidélisation, attractivité et fierté ; en "espaces collaboratifs", la productivité, elle, n'est pas garantie de s'envoler vers des sommets inexplorés, comme nous l'avons vu, si on compte là aussi seulement sur le changement d'organisation physique du travail.


Dessins (vectoriels) personnages diapositives: Freepik. Conçu par Vectorpouch (cubicles) et Vectorpocket (personnages podium) Merci.

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