Yahoo est souvent citée, aux cotés d’IBM, comme l’ entreprise emblématique ayant adopté avant beaucoup d’autres, puis abandonné, le #télétravail.
La dernière dirigeante de Yahoo, Marissa Mayer, avait décidé d’abandonner le télétravail mis en place par ses prédécesseurs au sein de son entreprise en 2013. Cette décision a fait grand bruit à l’époque.
Photo de Jaimie Harmsensur unsplash
On trouve d’un côté des articles passionnés en faveur de la décision de Marissa Mayer d’arrêter le télétravail dans son entreprise. De l’autre des articles non moins passionnés qui expliquent combien elle a eu tort.
Ce cas est intéressant car, célèbre, brillante, et formée à Standford puis parmi les premiers employés de Google, Mérissa Mayer a le profil d’une femme qui devrait être convaincue de l’intérêt d’un tel mode de travail.
Des parkings vides ?
Selon ses propres dires, les premiers doutes de la PDG de Yahoo viennent essentiellement de discussions informelles et des … parkings.
En effet, “Mayer a décidé de l'interdiction [de télétravailler] après avoir passé des mois frustrée par les parkings vides de Yahoo. Elle a alors consulté les connections VPN de Yahoo pour voir si les employés distants se connectaient suffisamment.” Lors de différents interviews, elle a également évoqué le fait que les employés avec qui elle discutait à la cafeteria se plaignaient du manque d’implication, à leurs yeux, des télétravailleurs. Elle a donc vérifié les connections sur le réseau Yahoo des télétravailleurs et a conclu qu’ils ne télétravaillaient pas assez selon elle
Si le travail effectué chez Yahoo par des télétravailleur reposait UNIQUEMENT sur des plateformes qui nécessite une connexion, cet indicateur pourrait être partiellement pertinent. Ce ne serait pas parce qu’on est connecté qu’on travaille, mais s’il faut être connecté pour travailler et qu’on ne l’est pas … Ceci dit, la PDG ne s’est jamais risquée à expliquer ce qu’elle aurait trouvé « normal » comme temps de connexion. Temps de connexion et productivité réelle ne sont pas non plus obligatoirement liés.
Le fond du problème ?
La courte histoire de Yahoo (1996-2016) est assez chaotique comme le montre ce timeline.
Il semble que les employés de Yahoo à l’époque avaient, télétravailleurs ou pas, un souci de motivation dans l’ensemble. Rétrospectivement Yahoo a eu été un pionnier N°1 d'internet, a eu l'opportunité de racheter un des systèmes (PageRank) qui a fait le succès de Google et a tenté de racheter Facebook ! Mais en 2013, la chute été amorcée.
Dans ce contexte, arrêter le télétravail semble donc avoir été une décision visant à créer un électrochoc. Le top management de l’entreprise, dans son ensemble, appelait de ses vœux une reprise en main des employés. Même certains anciens employés soulignaient aussi un état d’esprit peu propice à la productivité chez Yahoo.
On trouve donc les raisons plus « terre à terre » provenant d’une source anonyme, proche de la DG de Yahoo dont l’une, au-delà de la très mauvaise gestion du télétravail dans l’entreprise, peut donner la « cause racine » : « Elle savait que certains télétravailleurs ne voudraient/pourraient pas venir au bureau et qu'ils devraient donc démissionner. Et comme Yahoo se devait de réduire les coûts… C'est donc une réduction des effectifs de fait, sans dire que c’est une réduction des effectifs. »
En conclusion, la source explique que Mayer « s'est attaquée aux problèmes créés par la gigantesque infrastructure de Yahoo ». La société était devenue « grosse et paresseuse » au cours des 15 dernières années selon ses dirigeants, et que Mayer avait décidé de la faire « maigrir » pour la rendre à nouveau compétitive.
Dans un tel contexte, le télétravail été tout désigné comme cible idéale.
Conséquences…
D’un côté, on trouve que même avant cette interdiction de travailler à domicile, Yahoo avait du mal à avoir une bonne image auprès des candidats.
La société était confrontée à une concurrence féroce pour attirer les talents dans la Silicon Valley, où Google et Facebook ont plus de prestige, et que les startups offrent l'attrait de distribuer des actions dans le cadre d'une éventuelle introduction en bourse.
Il était difficile de recruter pour Yahoo et l’ouverture au télétravail permettait aussi de combler au moins partiellement ce handicap.
Rétrospectivement, la source du problème n’était donc pas le télétravail lui-même, mais le suivi et la motivation des employés Yahoo de façon générale et potentiellement en télétravail.
Les situations de Yahoo et de Marissa Mayer ont été très difficiles comme le rappelle cet article. La mission de Marissa Mayer a même été qualifiée de « mission suicide » par certains, à la vue de la situation dont elle a hérité.
Cette situation rappelle que le télétravail est un mode de travail qui mérite d’être pris au sérieux. Néanmoins, si l’entreprise ne bâti pas sa politique globale de gestion humaine sur des bases solides, le navire prend l’eau de toute part. De plus, toutes ces considérations sont loin de la vision d'entreprise. C'est plutôt à ce titre que l'exemple de Yahoo est illustratif : si l'entreprise manque de vision, et qu'elle est à la dérive, il est probable que les télétravailleurs ne vont pas se distinguer par une implication sans faille, surtout si on les oublie, ou qu'on les désigne comme des fautifs. La bonne décision est-elle alors de médiatiser l'arrêt d'un mode de travail ou, en tant que dirigeant, de donner une vision d'avenir à l'entreprise afin de remotiver l'ensemble des forces vives ?
Rappelons qu'en 2016, Yahoo (devenu Altaba) est racheté par Verizon.
Sans lien avec les difficultés de Yahoo, on peut noter qu’en 2013, de son coté, Verizon a également expérimenté des soucis de télétravail, mais d’un autre ordre… avec un employé assez créatif dans son utilisation de ce mode de travail 😊.
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